Dix ans après son arrivée au pouvoir, Xi Jinping contrôle-t-il réellement l’Armée populaire de libération (APL) ? Le remplacement, fin juillet, des deux généraux qui dirigeaient la force missilière et la disparition, depuis le 29 août, du ministre de la défense, Li Shangfu, conduisent à s’interroger.
Pourtant, depuis une décennie, les médias chinois répètent systématiquement que Xi occupe trois fonctions : il est secrétaire général du Parti communiste chinois, président de la République, mais aussi président de la Commission militaire centrale (CMC). C’est cet organisme qui dirige l’APL, bien plus que le ministère de la défense, qui a surtout un rôle de représentation à l’égard de l’étranger. Dans le système chinois, l’armée dépend du Parti communiste, et non de l’Etat. Si Li Shangfu est l’un des sept membres de la CMC, il n’en est même pas l’un des deux vice-présidents.
Quand Xi arrive au pouvoir, en octobre 2012, l’APL est une pétaudière. « Dans les années 1990 et 2000 (…), l’APL dérivait et devenait plus indépendante et dépolitisée. La corruption et les malversations – mises en œuvre à travers la gestion de bars, de maisons de passe, d’entreprises de transport, le détournement de fonds et de ressources, la vente de promotions hiérarchiques – étaient répandues dans les rangs et avaient même atteint le sommet », écrit Bates Gill, directeur du Centre d’analyse de la Chine au sein de l’Asia Society Policy Institute et auteur de Daring to Struggle. China’s Global Ambitions under Xi Jinping (« Oser combattre. Les ambitions mondiales de la Chine sous Xi Jinping », Oxford University Press, 2022, non traduit).
Nombreuses sanctions disciplinaires
Dès 2014, Xi Jinping fait arrêter deux généraux, Xu Caihou et Guo Boxiong, vice-présidents de la CMC, que lui-même préside alors depuis deux ans. Au total, quelque 13 000 militaires ont fait, ces dix dernières années, l’objet de sanctions disciplinaires, dont plus de 70 officiers généraux et une douzaine de généraux. Parallèlement, Xi réorganise l’armée en profondeur pour casser les baronnies et remettre la Commission militaire au centre du dispositif. S’il donne davantage de moyens à l’armée, il en réduit les effectifs de 300 000 personnes « pour que la force active soit maintenue à 2 millions » d’hommes. Autant de remises en cause de rentes de situation qui ne lui valent pas que des amis au sein de l’armée.
Mais les événements de cet été semblent indiquer que la réorganisation est loin d’être terminée. Selon Washington, une enquête aurait été lancée contre Li Shangfu, soupçonné de corruption. Avant d’être ministre, Li Shangfu, ingénieur de formation, a été l’un des pères du programme spatial chinois. En 2017, il a été nommé à la tête du département développement de l’équipement de la CMC. Une sorte de superdirecteur des achats de l’armée. Pour avoir, à ce poste, supervisé l’acquisition de matériel russe, il était d’ailleurs placé sous sanction par les Etats-Unis.
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